La semaine dernière, en sortant d’un entretien d’embauche, j’étais convaincu d’avoir tout raté. Dans ma tête, ça donnait : « J’ai bégayé sur la première question, ils ont dû penser que j’étais incompétent. Et puis cette réponse sur mes faiblesses était nulle. Je ne trouverai jamais de travail décent, je suis voué à l’échec professionnel. » Pendant trois jours, j’ai ressassé cette histoire catastrophe, incapable de postuler ailleurs. Puis j’ai reçu un appel : j’étais pris. Les recruteurs avaient apprécié mon « authenticité » et ma « réflexion posée ». Mon histoire mentale n’avait rien à voir avec la réalité.
Vous aussi, vous vous racontez parfois des histoires négatives sur vos expériences ? Ces récits intérieurs qui transforment chaque erreur en catastrophe et chaque regret en preuve de votre incapacité ?
Quand notre narrateur intérieur devient notre pire ennemi
Notre cerveau est une machine à créer des histoires. Face à chaque événement, il construit automatiquement un récit pour donner du sens à ce qui nous arrive. Le problème ? Ces histoires sont souvent déformées par nos peurs, nos croyances limitantes et nos regrets passés.
Résultat : on se retrouve prisonnier de récits toxiques qui amplifient nos regrets et nous maintiennent dans la souffrance. « Je rate toujours tout », « Je n’ai aucune chance », « Cette erreur prouve que je suis nul » – autant d’histoires qui nous détruisent de l’intérieur.
Ces narratifs déformés nous volent notre énergie et notre capacité à rebondir. Ils transforment un regret ponctuel en condamnation à vie.
Le recadrage cognitif : réécrire l’histoire pour se libérer
Le recadrage cognitif consiste à identifier ces récits toxiques et à les remplacer par des versions plus équilibrées et constructives. C’est comme être l’éditeur de votre propre film mental.
Étape 1 : Identifier le récit limitant
Notez exactement ce que vous vous dites à propos de votre regret. Par exemple : « J’ai gâché ma seule chance de bonheur en quittant cette relation. »
Étape 2 : Chercher les preuves pour et contre
Listez factuellement ce qui soutient cette histoire, puis ce qui la contredit. Souvent, vous découvrirez que votre récit ignore des éléments importants.
Étape 3 : Identifier les distorsions
Repérez les pièges mentaux : pensée tout-ou-rien (« toujours/jamais »), catastrophisation (« c’est terrible »), lecture de pensée (« ils pensent que… »).
Étape 4 : Créer un récit alternatif équilibré
Réécrivez l’histoire en tenant compte de toute la réalité, y compris les aspects positifs et les nuances que vous aviez occultés.
Mon expérience de transformation
Pour mon entretien « raté », j’ai appliqué cette méthode. Mon récit initial : « J’ai été pathétique, ils m’ont jugé incompétent. »
Les preuves contre : j’avais répondu à toutes les questions, donné des exemples concrets, posé des questions pertinentes sur le poste. Les recruteurs avaient souri plusieurs fois et prolongé l’entretien.
Mon nouveau récit : « J’étais nerveux au début, ce qui est normal, puis j’ai trouvé mon rythme. J’ai été authentique et professionnel. Même si ce poste ne marche pas, j’ai bien représenté mes compétences. »
Cette nouvelle version m’a permis de postuler ailleurs sereinement, au lieu de rester bloqué dans l’auto-sabotage.
Un exemple frappant de cette transformation
Julien, commercial de 42 ans, se répétait depuis des mois : « J’ai perdu mon plus gros client par incompétence, je ne suis pas fait pour ce métier. » En appliquant le recadrage, il a réalisé que ce client était déjà mécontent avant son arrivée et que d’autres facteurs externes avaient joué.
Son nouveau récit : « J’ai perdu un client difficile dans un contexte compliqué. Cette expérience m’a appris à mieux cerner les signaux d’alerte. Les 8 autres clients que j’ai fidélisés prouvent mes compétences. » Résultat : il a retrouvé confiance et signé trois nouveaux contrats le mois suivant.
Pourquoi cette technique révolutionne votre relation aux regrets
Mon opinion après avoir testé cette approche : elle fonctionne parce qu’elle s’attaque à la source de notre souffrance – pas les événements eux-mêmes, mais l’interprétation qu’on en fait. En changeant le récit, on change littéralement notre expérience émotionnelle.
C’est comme passer d’un film d’horreur à un documentaire nuancé sur la même situation. Les faits restent les mêmes, mais l’impact émotionnel change radicalement.
5 situations où appliquer le recadrage cognitif
- Après un échec professionnel : Remplacez « Je suis incompétent » par « J’ai appris des leçons importantes qui me serviront pour la suite. »
- Suite à une rupture douloureuse : Transformez « J’ai tout gâché » en « Cette relation m’a appris ce dont j’ai vraiment besoin chez un partenaire. »
- Face à une erreur parentale : Changez « Je suis un mauvais parent » en « Élever des enfants est complexe, cette erreur me rend plus conscient de mes réactions. »
- Après une dispute avec un proche : Passez de « Je détruis toutes mes relations » à « Cette tension révèle un besoin de communication plus claire entre nous. »
- En cas d’investissement financier malheureux : Remplacez « Je suis nul avec l’argent » par « J’ai acquis une expérience précieuse qui guidera mes futurs choix financiers. »
Des transformations remarquables
Sophie, enseignante, applique cette méthode après chaque cours difficile : « Au lieu de me dire que je suis nulle, je cherche ce qui a marché et ce que je peux améliorer. Mes élèves ressentent ma confiance retrouvée. »
David, père divorcé, l’utilise pour ses regrets liés à la séparation : « J’ai arrêté de me flageller sur mon ‘échec’ conjugal. Maintenant je vois cette période comme une transition vers un nouveau équilibre familial. »
Le recadrage cognitif m’a appris que nous avons le pouvoir de choisir l’histoire que nous nous racontons. Et cette histoire détermine largement notre capacité à rebondir et à être heureux.






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