L’année dernière, j’ai été nommé chef de projet sur une mission critique impliquant six départements différents. Le problème ? Je n’avais aucune autorité hiérarchique sur les membres de l’équipe. Chacun reportait à son propre manager et avait ses propres priorités.
Lors de notre première réunion, j’ai essayé l’approche directe : « Nous devons livrer ce projet dans trois mois, voici ce que chacun doit faire. » L’accueil a été glacial. Marie du marketing m’a dit : « Tu n’es pas mon chef », tandis que Paul de la compta a simplement ignoré mes demandes.
Au bout de deux semaines, le projet était en retard et l’atmosphère devenait toxique. C’est là que j’ai découvert l’art de l’influence sans autorité, une compétence cruciale dans le monde professionnel d’aujourd’hui.
Le défi de convaincre sans commander
De plus en plus de professionnels se retrouvent dans cette situation : ils doivent obtenir des résultats à travers des personnes qu’ils ne dirigent pas hiérarchiquement. Équipes transversales, projets matriciels, collaborations inter-services… nous devons constamment influencer des collègues, des clients, ou des partenaires sur lesquels nous n’avons aucun pouvoir formel.
Le réflexe naturel est d’essayer d’imposer nos idées par l’argumentation pure ou, pire, par la pression. Mais cette approche génère résistance et conflit.
Le vrai défi, c’est de faire en sorte que les autres veuillent collaborer avec nous, qu’ils se sentent partie prenante de nos objectifs plutôt que contraints de les subir.
La technique de l’alliance stratégique
Après mon échec initial, j’ai développé ce que j’appelle la technique de l’alliance stratégique. Cette méthode transforme vos « cibles d’influence » en partenaires investis dans votre réussite commune.
Voici comment procéder en quatre étapes :
Étape 1 : Identifier leur intérêt personnel
Avant de demander quoi que ce soit, découvrez ce qui motive vraiment chaque personne :
- Quels sont leurs objectifs professionnels ?
- Quels défis rencontrent-ils actuellement ?
- Qu’est-ce qui pourrait leur faciliter la vie ?
Étape 2 : Créer des ponts de valeur
Trouvez comment votre demande peut servir leurs intérêts :
- « Ce projet pourrait te donner de la visibilité auprès de la direction »
- « Cette collaboration t’aiderait à résoudre ton problème de X »
- « Tu pourrais utiliser cette expérience pour ton prochain poste »
Étape 3 : Proposer un échange équitable
Offrez quelque chose en retour de leur collaboration :
- Votre expertise sur un sujet qui les intéresse
- Une introduction à des contacts utiles
- Un soutien sur leurs propres projets
Étape 4 : Co-construire la solution
Demandez leur input sur la façon de procéder :
- « Comment vois-tu qu’on pourrait organiser ça ? »
- « Qu’est-ce qui marcherait le mieux de ton côté ? »
- « Tu as des suggestions pour améliorer cette approche ? »
Ma transformation et mes résultats
J’ai appliqué cette méthode avec chaque membre de mon équipe projet. Avec Marie du marketing, j’ai découvert qu’elle cherchait à prouver la valeur stratégique de son département. Je lui ai proposé de mesurer l’impact marketing du projet pour créer un cas d’étude qu’elle pourrait présenter à sa hiérarchie.
Avec Paul de la compta, j’ai appris qu’il était débordé par les reporting manuels. J’ai offert de développer un outil automatisé pour ses analyses, en échange de sa collaboration sur les aspects financiers du projet.
Le changement a été spectaculaire. Non seulement chacun s’est investi, mais ils ont commencé à proposer des améliorations et à défendre le projet auprès de leurs propres équipes. Nous avons livré avec deux semaines d’avance.
Sophie, consultante freelance, utilise cette approche avec ses clients réticents. « Au lieu de pousser mes recommandations, je commence par comprendre leurs vrais enjeux », explique-t-elle. « Puis je reformule mes propositions comme des solutions à leurs problèmes. Mon taux d’acceptation est passé de 60% à 85%. »
Thomas, responsable qualité, l’applique pour faire adopter de nouvelles procédures. Plutôt que d’imposer des changements, il montre comment chaque nouvelle règle simplifie le travail des équipes concernées. « La résistance au changement a pratiquement disparu », témoigne-t-il.
5 situations où utiliser l’alliance stratégique
- Projets transversaux : Transformez les contributeurs obligés en partenaires motivés en montrant comment le projet sert leurs objectifs
- Négociations clients : Identifiez les bénéfices cachés pour votre interlocuteur au-delà du produit ou service vendu
- Changements organisationnels : Aidez chaque département à voir comment l’évolution peut résoudre leurs problèmes spécifiques
- Collaborations inter-services : Créez des échanges de valeur entre départements plutôt que des demandes à sens unique
- Management fonctionnel : Influencez des équipes qui ne vous reportent pas en vous rendant utile à leurs propres succès
Pourquoi cette approche fonctionne si bien
L’alliance stratégique marche parce qu’elle s’appuie sur un principe psychologique fondamental : nous soutenons ce que nous aidons à créer. Quand quelqu’un participe à l’élaboration d’une solution, il s’y sent émotionnellement attaché.
Cette méthode transforme aussi la dynamique relationnelle. Au lieu d’être dans un rapport de force (« J’ai besoin que tu fasses ça »), vous créez un partenariat (« Voyons comment on peut s’entraider »).
De plus, elle génère de la réciprocité. Quand vous montrez que vous vous souciez des intérêts de l’autre, il devient naturellement plus disposé à considérer les vôtres.
Cette technique demande plus de temps au départ que l’approche directive. Il faut investir dans la compréhension des motivations de chacun avant de formuler ses demandes.
Mais les résultats sont incomparablement plus durables. Une fois que vous avez créé ces alliances, les gens deviennent proactifs. Ils défendent vos projets, proposent des améliorations, et vous incluent dans leurs propres initiatives.
Depuis que j’applique cette méthode, mes projets avancent plus vite, avec moins de résistance et plus de créativité collective. Plus important encore, j’ai développé un réseau solide de collaborateurs qui me font confiance et sur qui je peux compter.






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